Ah… les écrans ! Pas une conversation entre parents qui ne parte à un moment ou à un autre sur les enfants et leurs rapports aux écrans, portables, tablettes, réseaux sociaux 🙂 Chacun a son avis, chacun essaye de fixer des limites, des règles… et tout le monde se fait régulièrement déborder, tout le monde découvre un jour ou l’autre (si, si, je vous assure, parents de jeunes enfants, cela va vous arriver aussi !) que leur enfant les ont bien bernés. Tout le monde (ou presque) estime que les écrans ont été, sont ou seront source de conflits avec leurs enfants, et surtout avec leurs ados. Conflits sur le temps passé (au détriment d’autres choses plus « intelligentes », de leur vie sociale ou de leur scolarité) et sur leurs usages (« mais comment peux-tu regarder des trucs aussi débiles ? »). Conflits mais aussi inquiétudes, liées à des sujets graves et réels (harcèlement en ligne, pornographie, addiction aux jeux vidéos…).
Alors pas quoi commencer ?
Tout d’abord, chacun établit ses règles. Théoriques. Par exemple : pas de portable ou d’inscription à un réseau social avant tel âge, pas d’écran les soirs de semaine lorsque les enfants sont jeunes, portable posé dans le salon avant d’aller dormir au collège, configuration de la box pour encadrer l’accès à la wifi, ordinateur familial à la vue de tous plutôt que dans la chambre de l’enfant, etc.
Ensuite, chacun essaie de donner des conseils de prudence (ne pas accepter n’importe qui comme ami, ne jamais donner son adresse ou trop d’informations personnelles, ne pas poster quelque chose qu’il pourrait regretter, respecter l’image et la vie privée de ses copains) et d’accompagner (ne pas croire tout ce qu’il se dit sur Facebook, faire attention sur les jeux ou les forums à qui on parle, conseiller des films ou des séries, aider à maîtriser un logiciel, à faire une recherche, etc.).
Mais dans la réalité, une fois que l’enfant a accès à un objet potentiellement connecté, on ne maîtrise plus grand-chose. Car nos enfants sont très forts pour : capter de la wifi alors que l’on croit avoir couper la wifi familiale, s’inscrire en douce à un réseau social, se créer un double profil pour faire croire qu’il ne se passe rien sur son profil officiel, suivre des comptes de personnes dont on n’imagine même pas l’existence, se faire prêter un portable par un copain si on lui a confisqué le sien, et puis de toute façon, toute leur vie numérique se passe bien loin de nos yeux de parents (essentiellement par messages privés entre eux).
Donc concrètement, qu’est-ce que l’on peut faire ?
On peut quand même essayer de cadrer leurs usages. Par exemple, en ne leur donnant pas trop tôt un smartphone et un abonnement internet illimité (un tiers des enfants de 10 ans ont un smartphone, ce que je trouve personnellement trop jeune), en prêtant la tablette familiale durant des plages horaires définies et en vérifiant régulièrement les applis ou jeux installés, en vérifiant que le soir il n’y a pas de petite lumière bleutée qui brille dans leur chambre à des heures indues (un jeune sur trois enverrait des sms pendant la nuit). Priver d’écran pendant un certain temps (ou un temps certain) si on voit que l’usage dérape ou si le comportement général laisse à désirer, peut aussi avoir des effets bénéfiques ! Mais attention, il faudra savoir résister à la pression quotidienne, voire pluri-quotidienne de votre enfant ou ado, pour récupérer son « doudou » numérique. Ne pas céder, résister à leur pression (« tous les autres enfants ont un portable en 6ème » « tous les autres ont le droit de jouer à l’ipad après leurs devoirs »)…tâche ô combien épuisante parfois ! (mais qui a dit que le métier de parent était un long chemin semé de roses ?)
Une difficulté supplémentaire surgit lorsque l’on a plusieurs enfants auxquels ne s’appliquent pas les mêmes règles, les mêmes permissions. « Pourquoi elle, elle a le droit de regarder sa série un soir de semaine et moi je n’ai pas le droit de jouer à l’ipad ? » La réponse, pourtant simple et de bon sens, « parce que tu n’as pas le même âge (sous-entendu tu as besoin de plus de sommeil, pour ton cerveau, ce n’est pas bon de passer trop d’heures devant un écran…), n’est pas toujours très bien comprise. Cela n’empêche pas de la répéter encore et encore !
Alors oui, c’est dur de lutter contre l’attrait des écrans, très puissant (en tant qu’adulte, on en sait quelque chose !). Et que le temps que les enfants acquièrent une certaine maturité et un usage disons raisonné, à la fois ludique et utile, il peut se passer pas mal de choses. Pas mal d’erreurs, de temps perdu (ou d’argent, en cas d’achat de jeux mal géré), d’heures de sommeil rognées, de résultats scolaires en chute libre… Sans oublier la crainte que l’enfant développe une addiction aux jeux vidéos ou à autre chose, ne parle plus, s’enferme dans sa chambre, n’ait pas (ou plus) de vie sociale, abandonne toute activité sportive…Pour information, il existe 400 centres de « Consultations Jeunes Consommateurs » (CJC) en France, animés par des professionnels des addictions et de l’adolescence (médecins, psychologues, éducateurs…) qui accueillent les jeunes de 12 à 25 ans ou leurs parents pour faire le point sur diverses consommations (jeux vidéo, tabac, alcool, cannabis…).
Entendons nous bien, je n’ai rien contre les écrans en général, ni contre les réseaux sociaux. On peut les utiliser de mille et une bonnes façons. Mais il est rare que spontanément, l’enfant / ado aille tout de suite vers ces usages là. Il sera davantage tenté par une émission de téléréalité débile que par une vidéo pédagogique ou un ebook ;-). Et puis, papoter avec ses copains sur les réseaux sociaux, je peux tout à fait comprendre, s’amuser avec les derniers filtres de Snapchat, c’est rigolo et pas bien méchant. Nous aussi, nous passions bien des heures au téléphone (malgré les regards exaspérés de nos parents), à peine nous étions nous quittés au collège ou au lycée. Et puis s’échanger des SMS avec ses enfants, cela peut être très sympa. Une nouvelle forme de complicité, d’humour peut s’établir grâce à cela. Mais la différence, c’est que sur ces réseaux sociaux, il peut aussi se passer des choses graves (capture d’écran gênante, vidéo humiliante, mots blessants, harcèlement d’une personne par un groupe…). Donc il me semble essentiel de les éduquer à tout cela, de leur laisser le temps de forger leur personnalité, avant de les laisser complètement libres et autonomes.
Ce qui me semble important aussi, c’est de conserver des plages de temps sans écran. Pour eux et pour la famille. Pour eux, pour qu’ils continuent à savoir s’occuper/jouer/bavarder/apprendre autrement que devant un écran. Mon combat, par exemple, c’est qu’ils continuent à lire et malheureusement, j’ai l’impression que chez les collégiens, ce combat est bien inégal. Lire un livre papier est devenu, aux yeux de beaucoup, une activité austère, scolaire. Entre jouer à l’ipad ou regarder une série, qui ne demande que peu d’efforts, peu d’engagement et lire un roman, faire l’effort de se plonger dedans, le choix est vite fait chez la majorité des ados. Se battre aussi pour qu’ils continuent à avoir une vie sociale dans la vraie vie, à s’ennuyer aussi parfois… Et pour la famille, aussi, c’est important, de se retrouver sans écran, autour d’un jeu de société ou d’une activité extérieure par exemple.
Bon, je m’arrête là pour aujourd’hui et attends avec impatience vos commentaires 🙂
Edit du 17 octobre : j’ai appris l’existence d’un guide pratique intitulé La famille tout-écran (apprendre à vos enfants à s’informer, conseiller vos enfants sur l’usage des réseaux sociaux, maîtriser le temps dédié aux écrans en famille, protéger vos enfants des images violentes, s’engager et s’impliquer en tant que parent). Je ne l’ai pas lu mais bon à savoir !
Je n’ai pas hâte… pour l’instant c’est quasi zéro écran à la maison (les enfants ne touchent pas à nos téléphones, l’iPad s’est cassé et on s’est aperçus qu’on vivait très bien sans!, et ils font juste des recherches web sur l’ordi familial)
Bref je savoure ces derniers instants de tranquillité… mon aînée de 9 ans a deja des copines qui ont un iPhone depuis un bon moment et je trouve ça juste fou!
Et ça crée une sorte de « smic » de l’âge du premier l’iPhone, qui ne fait que baisser, Et qui n’aide pas les autres parents! Même si mes enfants ne réclament rien pour l’instant.
Pour le reste, les dangers, l’addiction, etc… j’en ai peur comme plein de parents… j’ose espérer que l’éducation qu’on va essayer de leur donner va jouer un peu…(?!?)
Marine
Tout à fait d’accord concernant l’âge du premier portable qui est de plus en plus jeune ! En 5-6 ans, j’ai constaté qu’il n’avait pas arrêté de baisser à une vitesse exponentielle. Notre n°3 qui est en 5ème est quasiment l’un des derniers à ne pas en avoir un (ils doivent être 3 ou 4 dans leur classe). Et je ne te parle pas de ma numéro 2 (qui est en 3ème), elle, elle est clairement la dernière 🙂 (chez nous, le smartphone est offert en fin de 3ème, après le brevet. La deuxième a néanmoins un ipod, donc possibilité de se connecter lorsqu’il y a de la wifi).
Pour le reste, on espère bien sûr que nos conseils et nos règles les aident un peu mais au quotidien, c’est parfois bien difficile !
Gaëlle
Très bonne analyse chère Gaelle.
En tant que « médecin du sommeil », j’ai l’impression que plus les règles que l’on fixe à nos enfants ont des raisons Indiscutables, plus elles sont acceptées… Ainsi, l’effet de la lumière des écrans le soir, qui peut « griller » notre sommeil, peut être une raison entendue pour limiter l’usage au moins en soirée. Un petit film peut être le support d’un échange sur le sujet : https://www.inserm.fr/tout-en-images/pom-bio-a-croquer-lumiere-et-rythmes. Bon courage à tous les parents qui s’engagent dans ce sens. Je suis convaincue que vous vous en feliciterez très vite !Claire
très bonne analyse! je suis heureuse d’avoir passé ce cap depuis longtemps: mes enfants ont entre 30 et 23 ans… mais cela a été une lutte de tous les jours pour les empêcher d’être sans cesse devant des écrans, pour qu’ils n’aient pas de portable trop jeunes même si, à leurs dires, tous leurs copains en avaient un! la règle: pas d’écrans pendant les vacances, soit 1,5 à 2 mois l’été: cela leur a permis de faire plein de jeux de société, de lire (à moi de leur fournir du « carburant », grâce à la bibliothèque locale), de vivre dehors,… bon courage aux parents de ces nouvelles générations qui doivent faire face à une pression encore plus importante de la société, mais il faut garder le cap et l’espoir
Marie-Noëlle CARON
Super billet Gaëlle, c’est l’histoire de ma vie… Non, pas de smartphone avant la 3ème chez moi. Ouf l’aîné fixé la limite.
Par contre je recommande à tous de passer du temps avec vos ados à regarder leurs youtubers préférés, plusieurs fois. Sinon impossible de suivre les conversations à table. Et certains sont forts, drôles, fins même parfois. Et abordent plein de sujets que je ne suis pas la mieux placée pour aborder avec eux.
Cécile
Pas trop concernée par ce problème, les miens sont grands (25 à 30 ans) et n’ont jamais été accros aux écrans…. je me suis un peu battue avec les jeux vidéos à l’adolescence, pas parce qu’ils y passaient des heures mais parce que l’on trouvait que cela les excitait.
Pour en revenir aux écrans, aujourd’hui la myopie chez les jeunes a fortement augmenté pour deux raisons liées aux écrans :
1- ils ont le nez dans des écrans et sollicitent presque exclusivement leur vision de près.
2- Le soleil nous permet de sécréter un neurotransmetteur, la dopamine, qui est responsable du bon allongement de l’oeil… Mais soleil et écrans ne font pas bon ménage ! 😉 N’hésitez pas à envoyer vos enfants jouer dehors !Comme le dit Claire, voilà une raison de plus de justifier vos choix ! 😉
Bon courage !
Isavulli
On a instauré les 7 à 9 « sans – aucun – écran » pour personne (même pas les parents) ! et cela fait un bien fou ces 2 heures quotidiennes à se re-concentrer sur notre noyau familial !! On va voir si ça dure (sachant que les enfants tentent toujours de contourner la règle) !
Marie-Xavière Wauquiez
A écouter : une conférence sur les enfants et la surexposition des écrans (avec les risques de troubles de comportement qu’ils peuvent engendrer). Inquiétant !
https://www.youtube.com/watch?v=vUEEpROHLqQ
Et des conseils pour les parents résumés par Sabine Duflo par 4 temps sans écrans
https://sabineduflofr.wordpress.com/2017/01/19/4-temps-sans-ecrans/
Gaëlle