Les témoignages de la rubrique Paris/province s’enrichissent avec celui de Marie-Haude, qui a quitté la région parisienne il y a un peu plus d’un an pour aller s’installer en famille, dans le Finistère, à Brest. Un grand merci à elle ! (Marie-Haude avait choisi la lettre I comme Indulgence pour le dictionnaire collaboratif de la conciliation vie perso / vie pro).
Quand et comment s’est prise votre décision de quitter Paris et de partir en province ? Quelles ont été les réactions de votre entourage ?
La décision de quitter Paris s’est prise en août 2012.
Voilà ce qui s’est passé : nous venions d’avoir notre 2e enfant. Nous profitions de nos vacances dans le Finistère pour aider mon frère et ma belle-sœur à déménager.
Ils venaient de s’acheter une grande maison récente, moderne, lumineuse, confortable. À 20 minutes du centre ville de Brest, 10 minutes de la plage, et 5 minutes de la boulangerie. Pour le même prix dans notre banlieue, nous pouvions espérer avoir un studio ou un F1 avec vis-à-vis ou vue sur une cours sale. Avec une boulangerie à 5 minutes, certes. Mais pas de plage.
Mon mari a eu un choc, je crois. Une semaine plus tard il s’est posté face à moi et m’a déclaré d’un ton ferme et décidé : « dans un an, on vit ici ».
À l’époque, nous vivions à 4 dans un 64m2, en proche banlieue parisienne. Nous parlions de quitter Paris depuis 5 ans (j’y songeais depuis 25 ans). Partir, c’était un « après » vers lequel nous regardions sans jamais trouver la bonne opportunité de le faire pour de vrai. Et là, c’étaient le bon moment et les bonnes circonstances.
Dans notre entourage, les réactions ont été variées. Ma grand-mère a voulu se jeter sous une trottinette et mon père n’a pas prononcé le mot « Brest » pendant un an et demi : ne souhaitant pas nommer celle ville qu’il avait tant aimé et qui, pourtant, lui arrachait ses enfants. Nos amis ont été tristes de savoir que nous serions si loin. Et dans l’ensemble, les gens se sont beaucoup demandé pourquoi nous choisissions de vivre à Brest VOLONTAIREMENT. Et avec PLAISIR. Brest n’est pas le choix le plus glamour d’exode urbain, et nous avons beaucoup justifié cette décision. Je crois qu’il faut qu’on arrête de le faire. Quant à ma famille qui vit ici : tout le monde a été très content qu’on arrive !
Comment cela s’est-il passé concrètement pour toi et ton conjoint ?
Mon conjoint avait un travail très sympa, à Paris.
De mon côté, l’agence de communication dans laquelle je travaillais depuis 5 ans venait de mettre la clef sous la porte. Fraichement licenciée, je bénéficiais d’un programme de reclassement.
Au début, le plan était que mon mari partagerait son temps entre Paris et Brest. Moi, de mon côté, je m’appuierais sur mes contacts pour trouver un travail ici.
Puis les mois ont passé, notre projet a évolué. Et il n’était plus question de vivre séparément la moitié de la semaine. Ni, pour moi, de faire de la communication.
J’ai décidé de me reconvertir dans un métier que j’avais toujours voulu faire : formatrice pour adultes. Pour ça aussi, j’avais toujours attendu le « bon moment ». Il était enfin arrivé. En attendant le déménagement, j’ai suivi des formations. Et j’ai commencé mon activité une fois que nous avons posé nos valises à Brest.
Et mon mari a trouvé un poste qui correspondait exactement à ce qu’il voulait moins d’un mois avant le déménagement. Comme dit ma grand-mère (qui a résisté à l’impulsion de se jeter sous quoi que ce soit) : « quand ça doit se faire, ça se fait ».
Comment s’est passée votre installation en province ? Le plus agréable ? Le plus dur ? Les bonnes surprises ? Les déconvenues ?
Notre installation s’est très bien passée. Le plus agréable ? Tout. Le fait d’être partis. D’avoir osé. Se dire : « si on a pu faire ça, en fait, on peut tout faire ».
Cette impression d’être partis en vacances et d’y être restés définitivement.
L’été qui a duré jusqu’au 20 octobre et qui a repris le 1er avril. La mer à nos pieds, l’air, la nature, le ciel. La famille.
Le plus dur ? Les quitter tous… Être loin de nos amis les plus chers. Et d’une partie de notre famille.
Nous sommes partis le cœur piétiné. Nous savions que nous allions vers un autre bonheur mais la boule dans la gorge a été dure à avaler. C’est ça qui a été, et qui est encore dur.
Les surprises sont venues quand je me suis mise à découvrir cette ville en tant que brestoise, et non plus en tant que fille et petite fille de brestoises. Je découvre une ville jeune, vieille, intense, grouillante d’énergie, de créativité, de ressources, d’Histoire. Pleine de possibilités. Il y a de la solidarité, de l’échange, de la chaleur. Je fais des rencontres très riches. Je passe mon temps à être surprise et subjuguée par cette ville. Par les gens qui y vivent, par les paysages devant lesquels je reste sans voix. Je n’en finis pas d’être émerveillée d’être ici. J’ai arrêté de pousser de petits cris quand j’écris mon adresse quelque part. Mais en fait, j’ai encore du mal à y croire…
Côté déconvenue oui, j’en ai une énorme. Le montant des impôts locaux, à Brest, c’est un problème. Mon chéquier a fait in infarctus…
Où en est ta petite entreprise ? Le fait d’être en Bretagne rend-il le développement de ton activité plus difficile ou pas ? As-tu été bien accueillie au niveau professionnel à Brest ?
Mon entreprise s’installe et grandit. Les choses prennent forme et pour l’instant, l’année 2015 s’annonce bien. Je ne sais pas si le fait d’être en Bretagne rend mon développement plus difficile. La formation professionnelle, c’est un secteur très chargé. C’est une activité où il est difficile de se développer et d’être bien accueilli, même à Paris. J’ai des collègues et amis répartis dans toute la France et nos quotidiens se ressemblent beaucoup. Je ne sais pas si le facteur Bretagne compte tant que ça. Mon développement suit une courbe « normale » pour l’instant. Je continue de travailler hors Bretagne et même hors de France. C’est un métier où très souvent, on n’est pas attaché à une localité précise : on va là où est le travail.
Toutefois, Brest est au centre de mon viseur. Je veux ancrer quelque chose ici. J’ai de très beaux projets pour Brest et je crois que j’ai énormément de choses passionnantes à faire dans cette ville. Il faudra que je te fasse un bilan dans quelques années !
Concernant la conciliation vie privée / vie professionnelle, estimes-tu que la vie en province la facilite ou pas ? Pourquoi, en quoi ? Avez-vous changé de types d’activité, de loisirs, de vacances ? Avez-vous réussi à retrouver un réseau amical rapidement ou pas ?
Je trouve que la conciliation vie pro/vie privée s’aborde de la même manière ici qu’à Paris. Dès lors que les gens travaillent, ils ont des horaires, des contraintes, plusieurs réalités avec lesquelles jongler. Ici comme ailleurs, nous nous posons les mêmes questions et la course est la même !
Ceci dit, je préfère mes 10 minutes de bouchons brestois (par semaine) aux 4 jours « d’avaries techniques » sur le RER B (par semaine) de mon époque parisienne.
Oui, nous avons changé de type d’activités. Dans un rayon de 10 minutes autour de chez nous, nous avons 2 centres équestres, 3 fermes, 5 plages, 3 forts (de vrais militaires !), un bois. C’est royal pour les enfants !
Je me suis mise an SUP (Stand up paddle) et du même coup, j’ai dû apprendre le surf parce que j’en avais assez de tomber dans les vagues. C’est exceptionnel, pour une ancienne parisienne, d’être sur l’eau régulièrement, même en novembre. Pour… surfer… je ne m’en remets pas.
Mon mari a repris le sport, lui aussi. Alors que nous n’en faisions plus du tout à Paris.
Et nous rêvons de vacances en Bretagne. Il y a énormément d’endroits insolites et/ou magnifiques et si nous étions riches (bientôt) nous partirions tous les week ends !
Oui nous avons rencontré des gens assez vite : grâce au travail, notamment.
Et puis nous avons beaucoup de famille ici, donc nous faisons la fête, souvent.
Si c’était à refaire, ferais-tu différemment ?
Non. Je garde tout. À un détail près : je choisirais des déménageurs qui coûtent moins cher !
Quels conseils pourrais-tu donner aux personnes qui rêvent de s’installer en province ?
Concernant le prix des déménageurs, demandez conseil à un ami qui a quitté Paris pour la province !
Je ne pense pas qu’il y ait de recette parfaite pour un départ de Paris vers la Province. Ce que j’ai constaté, c’est que pour pouvoir partir, les gens doivent accepter une part de risque. Pour nous, comme pour tout le monde, il était impossible de quitter Paris pour aller vivre sous les ponts, dussent-ils être les ponts de Recouvrance ou de l’Harteloire (à Brest). Il fallait poser une brique = un travail. Ça s’est bien enchainé, mais notre départ est fondé sur une énorme prise de risques, côté travail. Et encore aujourd’hui, nous sommes loin de l’équilibre financier. Mais sans ça, nous serions encore dans notre petit appartement à nous raconter tous les soirs en dinant combien nous détestons Paris et son RER *…
Quand on part, je crois qu’il faut accepter qu’on ne sait pas exactement ce qui va se passer. C’est un plongeon. C’est effrayant, et d’ailleurs, avant de sauter, on est souvent pétrifié par la peur. Mais une fois qu’on plonge, qu’on lâche tout, qu’on a cette sensation de voler, et qu’on entre enfin dans l’eau… On n’a qu’une envie : remonter pour plonger à nouveau. Je trouve ça grisant, d’oser sans savoir.
Voilà, à un moment, pour pouvoir partir, nous devions accepter le peu de certitudes que nous avions. Nous ne savions pas à 100% : si c’était une bonne idée, si ça allait marcher. Mais partir était le seul moyen de le savoir.
Et aussi, en termes de déménagement Paris-Province : patience et indulgence, ça peut aider. Il faut du temps pour s’installer. Pour se créer un tissu social. Je conseillerais quand même de se tourner le plus vite possible vers les gens : associations, parents des camarades de vos enfants, collègues. Sans vie sociale, et dans la solitude, je crois que c’est très dur de s’installer dans une nouvelle vie.
* Nous disions que nous détestions Paris sous le coup de la fatigue car depuis que nous sommes partis, nous sommes toujours ravis d’y retourner. En fait oui, Paris, je t’aime (c’était pas toi, c’était moi : il me fallait autre chose)
Le blog de Marie-Haude : http://mariegraindesel.fr/
Je me retrouve complètement dans ce témoignage. Nous sommes aussi restés 10 ans en haut du plongeoir à ne pas oser sauter, parce que c’est haut quand même. Et plus on attend, plus on a un réseau, des amis, de la famille que l’on a pas envie de quitter.
Mais ça vaut le coup, c’est sûr, de voir autre chose, pas forcément de quitter Paris, mais de s’extraire volontairement de son train-train. Le changement est une incroyable source de créativité.
Nanouak
tempignage super sympa et ça fait plaisir de votre que notre ville séduit.brest Ç est toujours la même chose beaucoup la critiquent mais je connais aussi plein de monde qui y est venu par hasard et jamais reparti…et Paris pour y avoir vécu qq années moi aussi je l aime mais j aime y aller pour ses bôn cotes et ainsi ne plus subir les
Mauvais (transports coût des loyers…)
Kerleroux