Depuis que je m’intéresse de près aux problématiques de la conciliation vie privée / vie professionnelle, de l’égalité professionnelle, de la parentalité, du partage des tâches, etc., une question revient sans cesse et me semble centrale. En effet, les hommes et les femmes abordent et vivent ces questions de façon souvent différente. C’est une réalité.
Les différences entre les hommes et les femmes sont-elles liées à la biologie, à l’éducation et/ou aux rôles sociaux ? Quelle est la part de l’inné et de l’acquis dans la construction de l’identité d’un homme ou d’une femme ?
C’est un sujet complexe et passionnant (et souvent passionnel…) où les positions et avis peuvent être bien différents, voire contradictoires.
L’un des noms les plus communément cités lorsque l’on aborde la question des éventuelles différences entre le cerveau masculin et féminin est celui de la neurobiologiste française Catherine Vidal, directrice de recherche à l’Institut Pasteur de Paris. Je vous invite à lire une interview d’elle qui était parue sur femmes-emploi.fr intitulée « Nos cerveaux sont-ils différents« . Je cite trois extraits :
– « Grâce aux nouvelles techniques d’imagerie cérébrale comme l’IRM, on a pu montrer que les différences entre les individus d’un même sexe sont tellement importantes, qu’elles dépassent les différences entre les deux sexes. Cette variabilité s’explique par les extraordinaires propriétés de « plasticité » du cerveau, c’est-à-dire sa capacité à se modifier en permanence en fonction de l’apprentissage et l’expérience vécue. A la naissance seuls 10% de nos 100 milliards de neurones sont connectés entre eux. Les 90% des connexions restantes vont se construire progressivement au gré des influences de la famille, de l’éducation, de la culture, de la société ».
– « Si dans un groupe social, hommes et femmes tendent à adopter des comportements stéréotypés, la raison tient d’abord à une empreinte culturelle rendue possible grâce aux propriétés de plasticité du cerveau humain ».
– « L’influence de l’entourage, qui est ensuite renforcée par l’école et la société, contribue à forger progressivement l’identité sexuée avec les stéréotypes qui y sont associés ».
Pour résumer, selon elle, les différences de comportement entre les hommes et les femmes sont essentiellement dues à la société, à la culture et à l’éducation différenciée entre les garçons et les filles. Sans nier les différences entre les sexes, elle estime que la biologie (les hormones, les gènes) a un rôle mineur par rapport à l’influence très importante de l’environnement socioculturel.
Face à elle, on trouve d’autres personnes qui estiment quant à elles que la génétique, les hormones, etc. comptent pour beaucoup dans le caractère et les comportements. Par exemple, Serge Ginger, psychologue et psychothérapeute (que je ne connaissais pas, j’avoue) dont je vous invite à lire cette interview publiée en février 2011 sur le site Womenology. Voici en résumé sa position sur le sujet :
– Serge Ginger estime « qu’il va de soi que les différences individuelles sont souvent plus importantes que les différences de genre (il renvoie d’ailleurs à Catherine Vidal et son ouvrage Cerveau, Sexe et Pouvoir). Ces dernières ont cependant un poids statistique indiscuté, qui apparaît dans les très nombreuses études scientifiques internationales et dans plusieurs méta-analyses, portant souvent sur des milliers d’études.Les différences entre les hommes et les femmes sont à la fois de nature biologiques – donc liées notamment aux hormones et à la fabrication du cerveau in utero – et à la fois sociologiques. Mais l’éducation sociale ne peut pas seule expliquer les différences entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, il rappelle qu’il y a environ 20 % d’hommes qui disposent d’un cerveau de type « féminin » et 10 % de femmes qui fonctionnent avec un cerveau plutôt « masculin ».
– Cela ne sous-estime en rien l’importance des aspects psychologiques et sociaux mieux connus et n’implique aucun déterminisme rigide puisqu’on peut même intervenir sur « l’expression génique » par la psychothérapie ou l’éducation.
– Il n’en reste pas moins que le comportement extérieur et le vécu intérieur des hommes et des femmes est largement conditionné par des dispositions préexistantes de nature biologique, sur lesquelles viennent se greffer les influences éducatives et culturelles.
Des affirmations différentes, vous en conviendrez !
Je ne vais pas pouvoir en un billet appréhender l’ensemble du sujet puisque comme le souligne Serge Ginger, un ouvrage de 900 pages qui résume 22.000 études sur les différences homme/femme est paru aux Etats Unis.
Que penser de tout cela ? Qu’en déduire ? Il y a de quoi être un peu perdu…Surtout que chacun se base sur des recherches scientifiques différentes. Comment savoir si ces recherches sont fiables, si les échantillons sont probants ? Lorsque l’on n’est pas soi-même dans ce domaine, difficile de le savoir…
Après avoir lu ou écouté ces deux personnes, j’ai voulu aller plus loin. Je suis alors tombée sur un numéro de Cerveau & Psycho consacré à « Homme / Femme : quelles différences ? » (cf. aller plus loin). C’est passionnant à lire mais là encore, les auteurs expriment des positions parfois très différentes. Je pense d’ailleurs en faire un compte-rendu dans un second billet car les sujets abordés sont nombreux et méritent d’être détaillés l’un après l’autre (émotions, langage, humour, etc.). Edit du mardi 12 juin 2012 : le second billet sur ce numéro spécial est en ligne depuis ce matin.
Quelle est mon opinion ?
Autant les affirmations péremptoires et généralistes telles que les femmes seraient de par leur « nature biologique » bavardes et incapables de lire une carte routière… Les hommes, eux, seraient naturellement bons en maths et menteurs… m’horripilent et me laissent très sceptiques, autant il y a des observations qui m’interrogent. Serge Ginger évoque par exemple le fait que les petits garçons semblent naturellement attirés par les petites voitures, par tout ce qui roule. Or j’ai pu constater moi-même que mon fils tout jeune était passionné par les roues, les voitures, les grues dans la rue, alors que mes filles pas du tout ! Et pourtant, je ne pense pas que ni moi, ni mon mari, avons dit à notre très jeune fils « regarde ces voitures, regarde ces grues, c’est passionnant ! ». Alors bien sûr, je sais que certains garçons ne sont pas du tout attirés par les petites voitures et certaines filles pas du tout attirées par les poupées (ce qui fut le cas d’une des miennes) mais il n’empêche que certains de leurs comportements, dès leur très jeune âge, ne me semblaient pas relever de l’acquis mais plutôt de l’inné.
Serge Ginger dit « Le choix des jeux et des jouets des garçons et des filles est lui aussi conditionné par la biologie. Il l’est aussi par l’éducation, dans la mesure où ce qu’on offre aux enfants influe sur leurs préférences. Mais dès la naissance, il existe des différences : les garçons sont attirés par tout ce qui bouge, le mouvement (les petits trains, les voitures) ; alors que les petites filles sont attirées par ce qui implique du contact (les poupées, ce qui est souple, etc.). De même lorsqu’on pose un ballon par terre, un petit garçon shoote dedans, alors qu’une petite fille va ramasser le ballon et le serrer contre son cœur. Ceci n’est pas généré par l’éducation, on ne l’a pas appris. Mais spontanément, pour des raisons hormonales, une petite fille va être amenée à serrer un objet qui est par terre contre son cœur ».
Je suis intimement convaincue que les interactions entre l’inné et l’acquis, le génétique et l’environnement sont complexes et bien réelles. Cela ne veut pas dire qu’il existerait un déterminisme rigide, lié au biologique. Mais dans cette dénonciation contre le déterminisme biologique, ne serait-on pas allé trop loin dans le primat culturel et éducatif ?
Et enfin, je me pose une autre question : est-ce que le fait de reconnaître qu’il existe des différences dans les comportements, des spécificités liées à la biologie signifie obligatoirement que l’on introduit des inégalités, des injustices, des jugements et des hiérarchies de valeur (de supériorité ou d’infériorité), des discriminations ? Pourquoi ces différences ne pourraient-elles pas être perçues comme des sources d’égalité, de complémentarité, de richesse, d’équilibre, de création ? Et est-ce qu’au contraire la logique de l’indifférenciation et de l’égalitarisme à tout prix ne pourrait-elle pas être source de conflits et de souffrances, voire être contre-productive ? (cf. cette interview de Jacques Arènes parue dans Psychologies, dans laquelle à la question « C’est un paradoxe nier nos différences nous éloignerait donc les uns des autres ?’, il répond : « Mieux vaut reconnaître nos différences que prétendre qu’elles n’existent pas et ne pas survivre aux tensions qu’elles engendrent ! Nier des réalités agissantes engendre une grande souffrance et une impossibilité d’avancer pour les uns et les autres. Autre danger : faire deux camps, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, et arrêter le jeu parce qu’il est trop difficile de s’ajuster. Ça, c’est la solution Houellebecq : vivre seul, consommer du sexe, se reproduire par clonage ! »).
Il y a là, me semble-t-il, une vraie question, un vrai débat à mener.
Voilà, le débat est posé ! A vous !
■ Aller plus loin
– Numéro spécial de Cerveau et Psycho d’avril 2011 intitulé Cerveau hommes / femmes quelles différences ? (5,80 euros pour télécharger le numéro au format PDF).
– Une interview Catherine Vidal parue dans Libération en 2005 (mais il en existe beaucoup d’autres, il suffit de taper sur Google pour les trouver) et une conférence autour de « Garçons/filles : quelles différences ? ». Elle a écrit Hommes, femmes, avons-nous le même cerveau ? . Lire également un article qu’elle a rédigé sur Eduscol.
– Texte d’une conférence régulièrement donné par Serge Ginger (avec une bibliographie conséquente)
– Olivier Postel-Vinay, La revanche du chromosome X
– Qui est masculin ? Qui est féminin ? avec une liste des auteurs différentialistes, les pragmatiques et les déconstructrices du genre (source Psychologies Magazine)
C’est une vraie question ! On peut aussi se demander si les hommes ont de plus gros besoins caloriques parce qu’ils sont naturellement plus grand et plus forts que les femmes, ou s’ils sont plus grands et plus forts que la majorité des femmes parce qu’on leur sert systématiquement depuis des millénaires le plus gros morceau de viande…?
Marlène (Maman travaille)
@ Marlène : je dirai même plus, c’est une énôôrme question !! 😉
En tout cas, à la question « d’où viennent les différences hommes/femmes », je trouve qu’il est difficile d’y répondre, surtout lorsque l’on n’est pas scientifique…mais passionnante. Et à étudier si possible sans parti pris idéologique, ce qui n’est pas toujours évident !
Concernant ton interrogation sur les besoins nutritionnels, je serai bien incapable d’y répondre…
Gaëlle
Ce sont les hormones qui dirigent tout ça ou au moins une bonne partie. Nos métabolimse sont très différents. Les femmes font aussi des bébés alors les hormones incitent leur corps à faire des réserves (la cellulite entre autre).
« Les hommes, en raison de leur métabolisme, ont besoin de manger plus que les femmes. Même au régime, ces messieurs auront besoin de 1 800 Kcal/j, alors que les femmes pourront descendre jusqu’à 1 500 Kcal/j. Il sera donc indispensable d’adapter les repas et les quantités aux besoins de chacun. »
Et voilà pourquoi avec 4 hommes à la maison, je ne cesse de remplir un gouffre alias mon réfrigérateur et c’est une constatation, sans partie pris idéologique.
D’un autre côté si je n’avais eu que des filles, ça m’aurait coûté aussi cher en vêtements et accessoires, mais est ce là un partie pris idéologique ou est ce à nouveau nos hormones qui nous incitent à plaire pour permettre la sauvegarde de notre espèce ?
babsgirl