Deuxième témoignage de l’année autour de la conciliation vie privée / vie pro avec un homme ! Un grand merci à Emmanuel d’avoir accepté de répondre à toutes mes questions avec beaucoup de franchise et de naturel.
Peux-tu rappeler en quelques lignes ton parcours pro et perso ?
Depuis quelques années, tu as modifié ton emploi du temps professionnel ? Comment et pour quelles raisons ?
J’ai commencé à travailler assez tard vers 27 ans. Je me suis installé à mon compte dans un cabinet de groupe en 2000. En 2005, j’ai d’abord cessé d’aller au cabinet 2 demi journées par semaine pour suivre une formation post universitaire. En 2006, j’ai été gravement malade et c’est sans doute ce qui m’a poussé à lâcher davantage de lest professionnellement. Lorsqu’on commence à se demander si on verra le jour suivant se lever, on songe à profiter un peu plus au temps présent, de la vie, des amis et de ses enfants. Ensuite, j’ai arrêté de travailler le week end quand j’ai trouvé une collaboratrice avec laquelle je partage le même plateau technique. Mes raisons sont donc multiples, avoir plus de temps pour moi, pour me former, et aussi pour profiter et m’occuper davantage de mes enfants qui sont encore jeunes. J’ai décidé de ne commencer qu’après le début de l’école pour pouvoir les y emmener tous les matins, et de ne plus travailler le mercredi matin et le samedi, jours où ils n’ont pas classe.
En terme d’équilibre entre ta vie pro et ta vie perso, es-tu plutôt satisfait ou insatisfait ?
Je suis plutôt satisfait, je ne travaille que 4 jours, certes intenses mais cela me convient. Cela représente une quarantaine d’heures de présence au cabinet. Bien loin des 60 ou 70h que travaillait mon père. Mais contrairement à ce que beaucoup pensent, le métier de chirurgien dentiste libéral ne s’arrête pas au sortir du cabinet. J’ai une véritable entreprise à gérer et avec les années cela demande de plus en plus de temps, même avec une secrétaire et une assistante. Nos instances dirigeantes ont pris le parti de compliquer à loisir l’exercice indépendant, la législation est devenu ubuesque et énergivore à respecter. Il m’arrive trop souvent de devoir passer mes dimanches au cabinet à effectuer des taches administratives.
As-tu le sentiment d’avoir fait des concessions dans un domaine (pro ou perso) à un moment donné ? Et si oui, les regrettes-tu ?
J’aurais bien aimé ne plus du tout travailler le mercredi mais c’est impossible dans mon métier.
Et j’ai aussi mis un peu en sourdine certaines ambitions professionnelles. Non pas que je néglige mon travail mais ce n’est plus la priorité. Peut-être plus tard. J’aimerais également pouvoir m’octroyer d’avantage de congés mais cela reste difficile lorsqu’on veut assurer la permanence des soins, même en cabinet de groupe. Trouver des remplaçants est compliqué et on ne peut pas fermer un cabinet longtemps. J’aurais bien aimé aussi m’investir d’avantage dans la vie syndicale, mais on ne peux pas tout avoir ni tout faire ! J’ai fait le choix d’avoir du temps pour mes enfants mais aussi pour moi et je ne regrette pas ce choix.
Que représente ton métier et quelles valeurs associes-tu au travail ?
Mon métier est vital pour moi. Je ne sais rien faire d’autre aussi bien et durant certaines périodes difficiles, il m’a toujours permis de prendre du recul, d’avoir une certaine satisfaction personnelle et de garder des relations sociales. En outre, il convient à mon caractère indépendant. Je n’ai de compte à rendre qu’à moi même et mes patients, sans pression hiérarchique. Le revers de cette liberté est qu’on se sent parfois un peu seul mais cela me va. La valeur principale que j’associe au travail est l’indépendance. J’aime beaucoup passer du temps avec mes enfants et je ne m’ennuie pas en dehors du travail mais dépendre financièrement et moralement de quelqu’un est in-envisageable pour moi.
La conciliation vie privée / vie pro, est-ce un sujet dont vous discutez souvent en couple ? Si oui, est-ce que cela donne parfois lieu à des dissensions ou désaccords ? As-tu l’impression que votre façon de fonctionner se fait-elle naturellement ou suite à des discussions/arrangements ?
Oui nous en discutons souvent. Étant marié à une femme enseignante, nos emplois du temps se complètent plutôt pas mal mais nos métiers sont tellement différents que cela est parfois source d’incompréhensions et de conflits. Surtout en ce qui concerne les vacances et la répartition des tâches ! Mais cela s’organise à partir du moment où chacun assume ses propres choix et ceux de son conjoint.
Par rapport à ta vie familiale et à l’éducation de tes enfants, quels aspects te semblent particulièrement importants ?
J’ai reçu une éducation assez laxiste et plutôt basée sur l’auto apprentissage que l’autorité stricte. Un jour un prêtre m’a dit, vos enfants ne sont pas vos enfants, vous ne devez pas en faire ce que vous voulez. J’essaye d’éduquer mes enfants avec la tolérance et la bienveillance nécessaire à leur propre développement dans le respect de leur personnalité, de leurs affinités et de leur aptitudes, c’est à dire sans les casser ni en faire des petits adultes très sages. Je n’ai pas les clés du bonheur mais j’impose cependant des limites et une certaine rigueur car on ne peut vivre heureux sans avoir une idée d’où se situe la frontière entre le bien et le mal et sans avoir d’exigences envers soi-même, par exemple dans le goût de l’effort et la satisfaction qui découle du travail accompli.
La problématique conciliation travail/enfants reste majoritairement portée par les femmes. Qu’en penses-tu en tant qu’homme ? Penses-tu que certaines choses/mentalités devraient évoluer ?
Vaste sujet ! Les mentalités des hommes mais aussi celles des femmes évoluent sûrement mais lentement. Par exemple, je connais peu de femmes de ma génération qui sont cantonnées au foyer alors que du temps de mes parents, c’était monnaie courante. Il y a bien sur des exceptions et je suis parfois attristé pour elles de voir certaines de mes amies s’effacer dans leur couple, au bénéfice exclusif de leurs maris alors qu’aucune liberté ne se gagne sans l’exiger ! Elles devraient se battre !!! Pourquoi vos messieurs ne pourraient pas garder les enfants pendant que vous sortez sans eux ? Heureusement, je pense que souvent la vie familiale s’organise plutôt en fonction du métier des uns et des autres que selon des habitudes sociales.
Personnellement, j’essaye de partager les taches autant que faire se peut, mais certains métiers ne peuvent pas complètement être aménagés. Je ne connais aucun confrère ou consoeur qui puisse terminer à 17h ou prendre 3 mois de vacances annuels, c’est impossible. Bref, pour moi, c’est plus une problématique lié au temps disponible que dégage les métiers que choisissent les femmes et celui de leurs hommes, qu’un problème de mentalités, en tout cas en ce qui concerne la mienne.
Comment te projettes-tu d’ici 5 à 10 ans ?
J’ai un peu de mal à m’imaginer dans 5 ou 10 ans et à formuler des projets précis. Je préfère vivre au jour le jour…Peut-être parce que j’ai réalisé que la vie est fragile…
C’est bien d’avoir un avis d’homme, de savoir ce qu’on pense de l’autre côté du lit!
Maman Crevette
Bonjour,
Je suis actuellement étudiante et je fais mon mémoire de fin d’études sur la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle. A travers ce mémoire, je cherche à savoir si les mesures
mises en place par les employeurs pour favoriser la conciliation vie privée/vie priofessionnelle ont un impact sur l’implication des salariés.
Cela m’aiderait beaucoup si vous pouviez remplir mon questionnaire.
Voici le lien:
https://docs.google.com/spreadsheet/viewform?formkey=dEw1Qy16eVJJbWxQYXk5bXRYUXIxOUE6MQ
Merci d’avance,
Bonne journée,
Laura
Laura