Voici le premier témoignage de l’année 2011 sur le thème « conciliation vie personnelle / vie professionnelle », avec celui de Valérie. Un grand merci à elle pour sa confiance et pour avoir répondu à toutes mes questions ! Vous pouvez également la retrouver sur son blog que je lis avec plaisir (c’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai eu envie de la faire témoigner).
Peux-tu retracer ton parcours personnel et professionnel en quelques lignes ?
Née et élevée en région parisienne, je maîtrise avec élégance et distinction la subtilité des correspondances métro/RER. Petite, je voulais soigner des fauves en Afrique, et maintenant je soigne de grands directeurs de la multinationale pour laquelle je travaille depuis 4 ans, en m’occupant de leurs applications et projets informatiques. C’est beaucoup plus dangereux. Heureusement, avec mes années de consultante en informatique derrière moi, j’ai le bagage qu’il faut.
A part ça, j’ai 34 ans, presque toutes mes dents, un mari et deux garçons de 5 ans ½ et 2 ans ½, donc globalement je m’ennuie peu (merci pour ceux/celles qui acquiescent inconsciemment de la tête en lisant cette phrase).
Secrètement, je me rêve écrivain… Et en attendant je gribouille des bêtises dans mon blog.
Concernant ta conciliation vie privée / vie pro, en es-tu plutôt satisfaite ou plutôt insatisfaite ? (avec tous les degrés intermédiaires possibles). Pourquoi ?
Ouh là, c’est subtil chez moi. En fait, la conciliation en terme de temps de travail entre vie professionnelle et vie privée me satisfait pleinement, parce que j’accorde à mon travail finalement exactement le temps que je peux lui accorder (soit peu, finalement), vu que j’ai la chance d’avoir une hiérarchie qui considère que tant que le travail est fait, rester au bureau jusqu’à 20h n’est pas une priorité. Je
m’occupe des enfants le soir, je les vois le matin avant de partir, j’ai du temps pour écrire… Dis comme ça, ça parait cool, mais en fait je cours en permanence !
Il y a des contreparties, bien sûr. Je n’ai pas un travail qui me passionne réellement, tout simplement parce que je ne m’investis pas réellement dedans.
As-tu eu le sentiment d’avoir fait des concessions dans un sens ou dans un autre ? Si oui, les regrettes-tu ?
Oui, et oui. Autre question ?
Ah, le principe d’une interview, c’est de développer ? [soupir] OK…
J’ai fait des concessions, comme tout un chacun. Des concessions, des choix, ça fait partie de la vie pour moi…
J’ai repoussé certains désirs pour plus tard, un livre, quand j’aurai le temps. J’ai arrêté de me battre sur tous les fronts, là encore par manque de temps… J’ai accepté, tacitement, de rester neutre dans mon travail, de ne pas être mise en avant, de ne pas être positionnée sur des projets intéressants ou à forte visibilité, parce que je ne pourrais pas m’investir dedans à hauteur de ce que je devrais.
Des regrets ?? Parfois… Ces choix ont été en partie conscients, s’ils ne l’ont pas été en tout cas avant la décision, j’y ai suffisamment réfléchi après pour me dire que c’était cette solution, ce moindre mal, que je choisissais.
Et pourtant, je ne me sens pas toujours pleinement épanouie, tout simplement parce que le choix lui-même est biaisé, et qu’on ne peut tout satisfaire à la fois : envie d’enfants, carrière, vie de femme, amis…
Que représente pour toi ton métier ? Quel est le moteur (ou les moteurs) qui te fait avancer ? Quelles valeurs associes-tu au travail ?
Très concrètement, le moteur qui me fait avancer tous les jours, c’est mon réveil.
Plus sérieusement, j’aime (ou j’ai aimé) mon travail, malgré ce que je peux en dire. J’aime la liberté qu’il me procure, l’indépendance financière, les rencontres qu’il m’apporte, les échanges.
J’aime me sentir indispensable (bien sûr, je me rêve indispensable), qu’on ait confiance en moi, faire bien, maitriser mon travail c’est un peu maitriser ma vie.
J’aime apprendre, apprendre, apprendre. Je fais vite le tour des postes que l’on me confie, ce qui explique d’ailleurs mon désintérêt en ce moment, mais je devrais changer de poste bientôt et retrouver ce dynamisme qui me manque.
J’aime m’organiser, qu’on ne soit pas en permanence sur mon dos, et travailler en équipe.
J’ai lu sur ton blog que tu encadrais des personnes (cf. billet « De la femme au travail« ). Est-ce que le management est
quelque chose que tu aimes faire ? Quelles difficultés as-tu pu rencontrer ? Le fait d’être une femme a-t-il été plutôt un atout, un handicap ou ni l’un ni l’autre ?
Je pense que je ne suis pas une manager-née, au sens où l’on nous l’enseigne dans la plupart de ces formations. Je fonctionne beaucoup à l’affectif, j’ai du mal à dire quand ça ne va pas, et du mal à fliquer les gens.
Mais, de fait, je constate que ça fonctionne très bien comme ça, dans mon équipe. Et je commence à me dire que finalement, c’est un peu à chacun d’inventer son management, que celui qu’on nous enseigne est très (trop) masculin, et qu’il gagnerait sans doute à prendre en compte une dimension plus humaine. Je pense que là aussi, comme dans d’autres domaines, l’apport des femmes en entreprise est très précieux et qu’il engendre réellement une plus-value tangible.
Le fait d’être une femme est donc du point de vue relationnel dans l’entreprise (pas seulement managérial) sans hésiter un atout pour moi, parce que les relations de travail se passent sur un autre plan et qu’il n’y a pas ou peu de notion de compétition entre individus. Mais je pense que ma formation (j’ai fait des études d’ingénieur dans une grande école), squattée à 80% par les hommes, m’a bien préparée à gérer ces relations hommes/femmes, qui constituent l’essentiel de mes interactions. Je pense que j’aurais sans doute plus de mal à me situer dans un environnement exclusivement féminin.
Par rapport à ta vie familiale, sur quels points es-tu particulièrement vigilante/attentive en terme d’éducation, de présence, d’investissement ? Comment gères-tu le passage d’une sphère à une autre ? (facilement ou pas). As-tu des petits « trucs » pour cela ?
Je crois que je suis surtout attentive à passer du temps avec mes enfants. J’ai refusé de prendre une personne pour aller les chercher le soir après la garderie et la crèche, tout simplement pour m’obliger à être là à l’heure et à me laisser du temps pour être tout simplement avec eux.
Globalement, je ne me prends pas trop la tête sur les questions d’éducation, pour l’instant, et je suis sans doute un peu laxiste sur certains points (mais ça c’est aussi parce que je n’ai pas besoin d’être sévère sur ces points là, parce que ça se passe bien). Je joue avec mes enfants, je leur achète beaucoup de livres (ça doit être parce que je suis toujours fourrée dans des librairies), et j’essaie au maximum de leur laisser de la liberté, de ne pas les contraindre dans une voie qu’ils n’auraient pas choisie d’eux-mêmes. Je crois beaucoup à l’éducation « passive », à l’exemple. Comme à la maison, on ne dit jamais de gros mots (hem), on ne crie jamais (re-hem), et qu’on fait tout bien en permanence, mes enfants sont bien sûr les mieux élevés du monde.
Dans cette conciliation vie privée / vie pro, qu’est-ce qu’il te semble le plus difficile ? (que ce soit en termes d’organisation, de temps, de mental, de disponibilité, de partage des tâches, etc. ?)
Tout ce que tu as cité, chaque chose étant interdépendante. Le partage des tâches est un sujet épineux, car de fait il y a partage mais pas vraiment équitable, chez moi. La disponibilité et le mental, je les ai, parfois. Mais quand ce n’est pas le cas, il faut quand même y aller, et essayer de réagir de la même manière (juste, posée, attentive) qu’on soit fatigué ou pas, préoccupé ou pas. En fait, c’est ça le plus difficile, je crois. Ne pas avoir le droit de lâcher prise.
Par contre, j’ai la chance d’avoir le temps, lorsque tout va bien, de faire tout ce qui est prioritaire pour moi (donc pas le ménage, par exemple. Ni réellement prendre soin de moi.).
J’ai aussi la chance d’avoir des enfants faciles à vivre, et en bonne santé, j’évite donc la plupart du temps les appels de la crèche ou de l’école et l’organisation compliquée des gardes en cas de maladie.
Et enfin, j’ai la chance d’avoir mes parents pas trop loin, ce qui est un confort très appréciable pour la garde au pied levé des enfants, pour une soirée en amoureux… Même s’il faut les partager avec ma sœur qui a elle aussi deux enfants, et même s’ils sont en permanence par monts et par vaux, sous prétexte qu’ils sont à la retraite, qu’ils sont adultes, et qu’ils font ce qu’ils veulent (quelle idée !).
Est-ce un sujet dont vous parlez régulièrement en couple ? Si oui, est-ce que cela donne parfois lieu à des (petites) tensions, des désaccords ?
Régulièrement, je ne dirai pas ça, parce que je suis plutôt du genre huître (qui a dit moule ?) dans ma vie privée. Je parle peu, c’est un tort, mais je me soigne.
D’ailleurs, c’est plus le fait de ne pas en parler qui provoque des petites tensions que l’inverse.
Qu’aimerais-tu voir évoluer dans la société ou les entreprises pour améliorer cette conciliation ? Estimes-tu que ton entreprise est plutôt conciliante sur ce sujet ?
Mon entreprise est (officiellement) très conciliante sur le sujet. Congés maternité à rallonge, crèche d’entreprise (bondée, mais quand même), facilités pour passer aux 4/5èmes, politique salariale égalitaire entre hommes et femmes.
Mais dans les faits, avoir un enfant est toujours un frein à la carrière, parce qu’on ne peut plus s’investir autant dans l’entreprise. Je pense que le problème vient plus des à-priori individuels que de la politique de l’entreprise, mais le résultat est le même. Dans les faits, quelqu’un qui travaille aux 4/5ème aura moins de perspectives d’évolutions, une femme avec enfants sera toujours considérée
comme mère plus que collaborateur…
Avec le recul, ferais-tu certaines choses différemment que ce soit dans ta vie pro ou perso ?
Je crois que non. J’aimerais avoir osé des choses plus folles, mais je ne suis pas sûre qu’il soit réellement dans ma nature de prendre autant de risques.
Dans quelques années, comment te projettes-tu ? Comment gères-tu l’articulation entre tes ambitions professionnelles et tes envies liées à ta sphère personnelle et familiale ?
J’espère pouvoir dégager plus de temps pour moi, mais j’ai aussi l’impression d’être super égoïste en disant ça. Ca doit être parce que j’en manque tellement maintenant, de temps pour moi, que ça devient une obsession alors que si j’avais la possibilité d’en disposer, peut être que je n’en aurai pas l’utilité.
Finalement, tout est question de potentialité.
Concrètement, dans quelques années, j’ai un peu du mal à me projeter. Soit j’aurai retrouvé un poste qui me passionne, soit j’aurai totalement changé de métier. J’écrirai, toujours, parce que je ne sais plus faire sans. J’ai des envies de voyages, de livres et de musique.
Si vous souhaitez partager votre propre parcours et ressenti sur ce sujet, n’hésitez pas à m’envoyer un petit mail ou à laisser un commentaire.
j’aime beaucoup le blog de Valérie… et Valérie aussi… c’est chouette de la découvrir sous l’angle de ces questions !
georges
Attention, le commentaire pertinent : très intéressant ! 😀
Sérieusement, très intéressant, vraiment. Et comme le dit justement George, on découvre Valérie différemment et c’est chouette.
La Mère Joie
Iem Georges, j’adore le blog de Valérie que je suis depuis le début.
Bien qu’étant un homme je la rejoins sur le fait qu’il est difficile de faire carrière si tu choisis de garder peu ou prou une vie de famille. Mes collègues arrivés en même temps que moi il y a
10 ans qui sont passés grand chef ne connaissent pas la date de naissance de leurs enfants (véridique). De mon côté, lorsqu’il y a eu l’opportunité d’un poste à l’étranger, j’ai été mis à l’écart
à cause des mes 4 enfants, au profit d’un collègue qui n’en avait qu’un alors que j’étais plus compétent (c’est vraiment la réponse que m’a faite l’entreprise). 4 enfants = plus cher à gérer pour
l’entreprise, mais aussi on m’a dit que je ne pourrais pas m’investir complètement dans ce poste!!!
Eric