« La plus remarquable caractéristique du monde contemporain du travail est peut-être finalement la croyance très répandue que celui-ci doit nous rendre heureux… ». Mais au temps de la mondialisation, de l’informatique, du « toujours plus », s’épanouit-on un peu, beaucoup, souvent, rarement dans son métier ?
Pour tenter de répondre à ces questions, Alain de Botton (journaliste et écrivain suisse, vivant à Londres) a décidé d’offrir à ses lecteurs un voyage inédit au coeur du travail.
A travers dix chapitres illustrés de photographies en noir et blanc, Alain de Botton nous livre des reportages, souvent très pittoresques, sur les conditions de travail dans différentes activités professionnelles. On passe de la pêche au thon, à l’élaboration d’un nouveau biscuit en Belgique, au lancement d’un satellite japonais par une fusée Ariane en Guyane, à la journée d’une comptable ou de la DRH d’une grosse entreprise, à une visite du salon aéronautique du Bourget ou encore à la construction des pylônes électriques ou à la journée d’un conseiller d’orientation professionnelle. L’auteur nous emmène dans des endroits industriels, technologiques, administratifs… pour les observer et les appréhender avec un oeil neuf et inédit.
L’auteur mêle enquête journalistique, descriptions poétiques ou humoristiques, réflexions personnelles, références historiques. Tantôt il s’attarde sur un tout petit détail, tantôt il nous offre une vision d’ensemble la plus large possible.
C’est ce regard décalé et qui cherche à comprendre le sens de toutes ces activités humaines qui rend la lecture de ce livre agréable. Il ne se contente pas de dénoncer certaines aberrations ou absurdités mais il tente d’y déceler le sens ou la raison d’être.
Dans son dernier chapitre, Alain de Botton, plus philosophe, écrit que « le travail par sa nature même ne nous accorde pas d’autres possibilités que de le prendre trop au sérieux. Il doit détruire nos sens des proportions, et nous devons lui être reconnaissants de nous permettre de nous mêler étroitement aux événements, de porter les pensées de notre propre mort et de la ruine de nos entreprises avec une belle légéreté, comme de simples proportions intellectuelles, pendant que nous volons vers Paris pour vendre de l’huile de moteur ».
Et conclut : « Ce qui est intéressant, c’est qu’on peut prendre sur soi d’aborder des tâches avec la plus grande détermination et gravité alors même que leur plus large absence de sens est manifeste. L’impulsion d’exagérer l’importance de ce que nous faisons, loin d’être une erreur intellectuelle, est en réalité la vie elle-même coulant en nous. (…) Notre travail nous aura au moins distraits, il nous aura fourni une bulle parfaite dans laquelle investir nos espoirs de perfection, il aura concentré nos incommensurables anxiétés sur quelques objectifs relativement modestes et réalisables. Il nous aura donné le sentiment de maîtriser la situation, nous aura rendu honorablement fatigués, il aura rempli nos assiettes. Il nous aura préservés de plus sérieux ennuis ».
Splendeurs et misère du travail, Alain de Botton, Mercure du France, 373 pages, 23,50 euros
Vous pourrez retrouver une interview de l’auteur dans le dernier numéro de Courrier Cadres (mars 2010)
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