En aparté poursuit sa série de témoignages sur le thème « Concilier vie personnelle et vie professionnelle » avec le portrait de Marie, 40 ans, 3 enfants, avocate associée. Un grand merci à elle pour avoir accepté le principe de cette interview et pour avoir répondu avec sincérité et franchise à toutes mes questions !
Pouvez-vous retracer votre parcours professionnel ?
Marie : Après des études de droit, j’ai commencé à exercer le métier d’avocat dans un cabinet fondé et dirigé par une femme. Après mon mariage, j’ai vite compris que mon nouveau statut de mère de famille en puissance était assez mal perçu. J’ai préféré changer pour intégrer un cabinet, cette fois-ci très masculin et que j’allais découvrir, assez vite très mysogyne !
En tant que femme, c’était loin d’être facile au bureau. Après la naissance de mon premier enfant, j’ai été contactée par l’asssocié gérant du cabinet dans lequel je suis depuis.
Dès que je suis entrée dans ce cabinet, j’ai expliqué qu’il était très important pour moi de fonder une famille et que j’envisageais d’avoir un second enfant rapidement. Cela a été très bien accepté.
Après la naissance de mon deuxième enfant, j’ai toutefois ressenti une grosse fatigue. Je travaillais beaucoup et j’ai eu de grands moments de doute. Est-ce que je devais arrêter de travailler, changer de métier ? Nous nous sommes posés beaucoup de questions, mon mari et moi. J’ai fait part au dirigeant du cabinet que je ne pouvais pas tout concilier et lui ai demandé de ne plus travailler le mercredi. J’allais peut-être aller moins vite que les autres, avec une moindre rémunération mais c’était mon choix. Il a eu une réaction très positive en me disant qu’il était persuadé que je réussirai aussi bien que les autres. Et il m’a prouvé sa confiance en m’associant..
En passant à 80%, j’ai gagné en efficacité, je me suis organisée autrement en priorisant les différentes tâches et en m’employant à plus et mieux déléguer.
J’ai vraiment été aidée par le souci permanent de mes associés de ne s’attacher qu’aux résultats et à l’efficacité de mon travail.
Néanmoins, depuis que je suis associée, c’est plus dur psychologiquement et je suis plus tendue car j’ai davantage de responsabilités. Je suis désormais beaucoup plus impliquée dans la stratégie et le développement. Mais ma situation reste une gageure car si le secteur s’est beaucoup féminisé, cela reste un métier dur et très anxiogène.
Estimez-vous que le fait d’être une femme a été plutôt un atout ou un handicap ?
A certains moments de ma carrière, cela a pu être un handicap mais, à d’autres périodes, cela a également été un atout. Actuellement, je travaille pour un homme qui a toujours trouvé que les femmes avaient un investissement professionnel différent des hommes. Un cabinet exemplaire pour cela !
Etes-vous satisfaite de la façon dont vous conciliez votre vie privée et votre vie professionnelle ?
Je suis globalement satisfaite. J’estime que même si j’ai un travail prenant, j’arrive à m’occuper de mes enfants et à être avec mon mari. Certes, je ressens parfois un sentiment de frustration (« est-ce que j’en fais suffisamment ? »). Pour moi, avoir mon mercredi est très important. Ce jour-là, j’ai l’impression de beaucoup donner à mes enfants… et de beaucoup recevoir aussi. Tous mes choix sont partagés et assumés avec mon mari. Je pense qu’il est heureux de me savoir épanouie professionnellement et nous veillons à maintenir un équilibre au niveau du couple.
Cependant, j’ai quand même l’impression d’être une équilibriste, d’être souvent bousculée le soir quand je quitte mon bureau.
Une des difficultés majeures est la disponibilité qu’il faut avoir. A la maison, je me rends compte que je ne le suis pas toujours assez. Psychologiquement, il faut être capable de « couper » lorsqu’on rentre le soir chez soi. Cela nécessite des efforts pour fermer la porte du travail et ouvrir celle de la famille. Y parvenir m’apporte un réel bien-être.
Avez-vous eu l’impression d’avoir fait des concessions dans votre vie professionnelle au détriment de votre privée ou l’inverse ?
Entre autres considérations, notre charge de travail nous a conduits à ne pas essayer d’avoir un 4ème enfant.
Parfois, j’ai le sentiment que le travail prend tellement de place, d’énergie que cela restreint la vie privée au strict minimum. Mais nous nous efforçons d’avoir une vraie vie familiale, sociale et associative.
Avec le recul, je dirai qu’à certains moments de ma vie professionnelle, j’ai fait des concessions en privilégiant ma vie privée car celle ci a toujours été mon principal moteur.
Et pour finir, je dirai que j’ai surtout concédé sur moi-même et prends probablement trop peu de temps pour m’occuper de moi !
Et vos enfants ? Comment avez-vous l’impression qu’ils vivent votre engagement professionnel ?
Evidemment si je les écoutais, je ne travaillerais pas !
Mais au final, il est normal pour eux que je travaille car ils ont bien compris que cela fait partie de ma vie. D’autre part, j’essaye de leur expliquer avec des mots simples ce qu’est mon métier, la justice, l’assemblée les lois.
Quels sont vos trucs et conseils ?
J’ai l’impression d’être une entreprise à moi toute seule ! Voici les quelques règles que je me suis fixéee :
– réserver des temps aux enfants. Dans mon cas, le mercredi. Même si c’est compliqué, cela est un atout majeur et je m’y tiens. Cela m’aide beaucoup.
– se donner une vraie contrainte horaire le soir car il faut être présent près de nos enfants, pour leur éducation, être présents au coucher et accompagner les devoirs.
– avoir confiance en sa nounou. On ne peut pas être partout et je ne peux pas me permettre de penser à mes enfants lorsque je suis au travail.
– avoir un agenda de la maison. Je suis quelqu’un de très organisée ! En plus de mon agenda professionnel, je tiens l’agenda de la maison où je note tout ! (les menus, les activités, les choses à
ne pas oublier (sac de piscine, pique-nique)…
– prendre du temps à deux, mon mari et moi. Ce sont des parenthèses enrichissantes.
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