En aparté poursuit sa série de témoignages sur la question de la conciliation vie privée et vie professionnelle. Aujourd’hui, c’est au tour d’Alexandra, parisienne, 35 ans, 3 enfants et cadre dans une grande banque française de se prêter au jeu de la sincérité. Un grand merci à elle pour cette interview très riche !
Peux-tu retracer ton parcours professionnel ?
Alexandra : A la suite de mon bac littéraire, je n’avais pas d’idée très précise sur le métier que je souhaitais faire. J’ai finalement choisi la fac d’économie. Après mon deug, j’ai obtenu un magistère (en trois ans) de banque-finance. Puis, j’ai commencé ma vie active par un stage dans une grande banque française et j’y suis toujours !
J’ai débuté sur une fonction support de suivi de risque. Trois ans après, je suis partie pour mon premier congé maternité. A mon retour, j’ai eu envie de changer. Je suis allée au middle office où je gérais une petite équipe de 5 personnes, pendant 2 ans et demi. Ensuite, il y a eu mon 2ème congé maternité. En revenant, j’ai élargi mon périmètre d’action en remplaçant mon responsable qui partait ailleurs, je gérais alors une quinzaine de personnes. Quelques mois après, une réorganisation a eu lieu avec le rapprochement entre 2 équipes. Après une petite période, j’ai finalement repris la responsabilité de l’intégralité des deux équipes, soit une trentaine de personnes à manager. Cela a duré 3 ans puis 3ème congé maternité ! Je suis revenue en septembre dernier. Cette fois-ci, j’ai décidé d’occuper un poste plus technique sans management.
Est-ce que le fait d’être une femme a été plutôt un atout ou un handicap ? Et le fait de travailler dans un secteur considéré comme plutôt masculin ?
Alexandra : Cela ne m’a jamais frappé. Dans mes différents postes, il y avait autant d’hommes que de femmes. La différence se fait aux niveaux hiérarchiques élevés. Je n’ai pas l’impression que le fait d’être une femme ait été un handicap ou un atout. Mes managers ont toujours été très corrects avec moi. Est-ce lié au secteur bancaire ou à des gens bien, je ne saurai le dire !
En tout cas, je constate que ce sont des managers hommes qui m’ont bien fait évoluer, qui ont eu confiance en moi et m’ont soutenue. Lorsque je partais en congé maternité, ils ne m’ont jamais montré que c’était un problème. Et puis j’ai toujours fait en sorte d’assurer à chaque fois une durée de poste normale. De plus, j’ai toujours été transparente sur mes projets et sur mon souhait ou pas de revenir au poste que j’occupais.
De plus, la banque où je suis a une convention collective généreuse pour les congés maternité en proposant à ses salariées 3 mois supplémentaires (payés) au congé légal.
Concernant les écarts de salaires entre les femmes et les hommes, ils existent. Mais personnellement, je n’ai jamais trouvé cela insoutenable. J’ai toujours eu des supérieurs corrects qui m’ont augmentée régulièrement. Je n’ai donc jamais vécu le fait d’être une femme comme une discrimination.
Es-tu satisfaite de la façon dont tu concilies ta vie privée et ta vie professionnelle ?
Alexandra : Globalement oui, parce que j’ai une organisation de garde qui ne m’a jamais fait défaut, même si bien sûr, c’est la course perpétuelle. En revanche, je suis d’accord avec ce que tu appelais la charge mentale dans un de tes billets. C’est parfois un peu pesant de devoir penser à tout.
Cela crée une pression et un stress supplémentaires pas toujours faciles à gérer. Mais je pense aussi que j’ai appris à acquérir une façon de travailler optimale. J’ai appris à aller à l’essentiel.
J’ai eu également la chance à certains moment de pouvoir passer à 80%. Même si parfois j’ai dû repasser à 100% car cela n’était pas tenable.
Bien sûr j’ai des moments de frustration (dans mon boulot, dans ma vie familiale) mais ils sont généralement liés à un état de fatigue. Mais le plus souvent, je ressens de la fierté d’arriver à concilier les deux. Quelque part, c’est galvanisant de pouvoir dire « j’y arrive ! »
Pour le moment, c’est gérable au jour le jour. Bien sûr, on verra lorsque les enfants seront plus grands. Peut-être y aura-t-il plus tard un 2ème effet kiss cool !
As-tu eu l’impression d’avoir fait des concessions dans ta vie personnelle pour ta vie privée ? Ou l’inverse ?
Alexandra : Jusqu’à présent, non. Mais c’est maintenant, je pense que va se poser la question et que je vais devoir faire un choix. C’est aussi pour cela que j’ai choisi mon poste actuel, ce poste d’expert où il y a moins d’imprévu et des horaires moins tardifs, pour pouvoir davantage m’occuper de mes enfants. Mais dans l’absolu, je souhaite à nouveau encadrer une équipe. Je me pose des questions : vais-je être capable d’être maître de mon temps professionnel et d’assumer mes responsabilités familiales ?
En tout cas, je n’ai jamais envisagé d’arrêter de travailler, j’aime beaucoup mon métier, son intérêt intellectuel, l’ambiance de travail, etc.
Mais je pense aussi qu’on ne peut pas être carriériste et avoir des enfants, il y a forcément un prix à payer.
Quels sont tes conseils, tes trucs ?
Alexandra : Avoir une nounou fiable et une relation de confiance aveugle avec elle. Responsabiliser ses enfants, leur faire confiance et leur apprendre l’autonomie. Certes il peut parfois y avoir des ratés… J’essaye par exemple de supprimer les contraintes du soir et de faire en sorte que les devoirs soient faits, les vêtements pliés, la chambre rangée, etc. pour que lorsque je rentre, on puisse passer un bon moment ensemble (à se raconter nos journées, à faire un jeu, à lire une histoire) et ne pas avoir besoin de faire le gendarme.
Je pense aussi qu’il est important d’essayer de prendre le temps de passer un moment privilégié avec l’un ou l’autre de ses enfants. Sortir de temps en temps du quotidien, de la routine même si d’un autre côté, les enfants sont aussi très attachés à leurs repères et à leurs habtitudes.
Et pour terminer, se répartir les tâches avec son conjoint. Par exemple, chez nous, c’est mon mari qui assure le matin et qui fait les accompagnements à l’école, et moi j’assure le soir, sauf si bien sûr l’un ou l’autre de nous a des impératifs professionnels.
Si vous aussi, vous avez envie de témoigner sur ce sujet, n’hésitez pas à m’envoyer un petit mail.
Merci beaucoup Gaëlle d’avoir fait cette interview et à Alexandra d’avoir partagé avec nous son expérience. Cela me fait beaucoup de bien de lire son témoignage, car même si je n’ai pour l’instant qu’un enfant, c’est très rassurant de voir que d’autres femmes s’en sortent avec aussi une vie de famille et un poste d’encadrement (depuis un mois, je gère 2 personnes. Et je ne trouve pas que 5 soit une petite équipe ! :o) Quoique comparé à 30-..). Ce que relate Alexandra sur le déroulement de ses congés maternité est aussi très positif. Cela me fait d’ailleurs poser la question : comment son absence était-elle gérée en tant que responsable d’équipe ? Quelqu’un la remplaçait ? Cela a-t-il posé problème au retour ?
Ton blog est vraiment riche, merci Gaëlle !
Anne-So
a l’aube de la fin de mon congé parental cet article me met du baume au coeur sur le fait qu’avoir trois enfants, travailler a 100% et avoir l’impression de réussir àtout concilier est possible !
merci Gaëlle , merci Alexandra !
ps: je témoignerais bien un ou deux mois après ma reprise
Evy
@ Evy : comme toi, je trouve important de voir comment font et vivent au quotidien d’autres femmes qui ont à la fois un travail et une vie familiale bien remplie. Et l’on voit, que c’est un mélange de volonté, d’organisation sans faille, de dialogue avec le conjoint, et de réflexions sans cesse renouvelées sur la place du travail, le rôle parental, etc. Je te souhaite en tout cas bon courage pour ta reprise
Gaëlle
Merci Anne-So ! Je trouve aussi que son témoignage est très intéressant (j’ai moi-même décidé d’utiliser certains de ses conseils ). Et j’espère que dans quelques mois, tu viendras à ton tour livrer les tiens ! En attendant, très bonne continuation.
Gaëlle