Parler de son travail aux enfants est un sujet peu abordé, me semble-t-il. Je n’ai trouvé que trois articles1 sur le sujet (dont deux rédigés par des femmes d’ailleurs), un livre2 (celui que j’ai mis en illustration, lui aussi, rédigé par des femmes !) et une vidéo3 (d’un homme, cette fois-ci). Pourtant étant donné le temps que les parents passent à travailler à l’extérieur ou de chez eux, il semble important d’essayer d’expliquer, avec des mots simples et adaptés à l’âge de l’enfant, pourquoi l’on travaille, en quoi consiste son métier, ce que cela apporte, etc.
« Une explication simple et constructive de ses occupations professionnelles aide à désamorcer les angoisses enfantines sur la vie active » écrit Sabine Syfuss-Arnaud dans son article (réference à la fin de ce billet). Qui cite également Sylviane Giampino, auteur de Les mères qui travaillent sont-elles coupables ? (éditions Albin Michel) : « Qu’il soit tout petit ou adolescent, il est essentiel que l’enfant puisse construire des représentations mentales de l’endroit où est son parent, de ce qu’il fait lorsqu’il part le matin. C’est important, sinon l’adulte disparaît dans un grand trou noir, ce qui génère de l’anxiété et de l’angoisse. Il faut mettre des mots. La réalité est toujours moins pathogène que le silence », explique-t-elle.
De son côté, dans une interview donnée au magazine L’Entreprise, à la question, « Est-il souhaitable que les parents racontent à leurs enfants ce qu’ils font au travail ? », Marcel Rufo, pédo-psychiatre, répondait : « Oui, certainement. Par exemple, un architecte peut raconter à son fils ou à sa fille qu’il vient de décrocher un nouveau contrat. Il peut faire part de sa joie, montrer un dessin ou une maquette du projet, raconter des anecdotes. Tous les métiers se prêtent à cela. Un notaire peut expliquer comment son travail l’amène à plonger dans le passé, ou l’intimité des familles. L’idéal est de montrer à l’enfant que l’activité a un côté poétique et agréable. Le parent doit dire : « J’aime travailler » et le prouver par son attitude. L’enfant peut ainsi s’identifier positivement à son père ou à sa mère, et développer une bonne vision du travail ».
Enfin, dans une interview parue dans Libération datant de décembre 2006, Catherine Dolto, médecin, à la question, L’influence des adultes est donc si importante sur la représentation que se font les enfants du monde du travail ?, répondait : « Les adultes ne se rendent pas compte de l’influence de leur parole sur les enfants. Très souvent, ils décrivent leur travail comme quelque chose de pénible. Très peu de parents montrent ce qu’il peut y avoir de joyeux dans leur métier. Les enfants, le plus souvent, entendent la plainte des parents sur le chef ou sur le collègue. Les parents disent rarement : «Mon travail me passionne.» (…). Les conditions de travail prennent souvent plus d’importance que le métier lui-même. On est dans le côté «pénible».
Et vous ? Parlez-vous de votre travail à vos enfants ? Si oui, comment en parlez-vouz ? Savez-vous quels mots utilisent votre enfant pour parler de votre métier ? (cf. lire à ce sujet l’article Quand je serai grand….où le journaliste Luc Peillon a écouté des enfants parler du travail, cela vaut vraiment le coup !)
1. Articles sur le sujet :
– Faire découvrir son métier à ses enfants, de Sabine Syfuss-Arnaud dans Challenges, avril 2008
– Parler à ses enfants de son travail : pas toujours évident, d’Isabelle Hennebelle sur LEntreprise.com, novembre 2006
– Le monde du travail vu par les enfants. A savoir, de Luc Peillon dans Libération, 4 décembre 2006
2.L’entreprise, d’Alexia Delrieu, Sophie de Menton et illustré par Clotilde Perrin, Gallimard Jeunesse, 2008.
3.Le travail vu par les enfants, un film d’Hervé Vacheresse, 2006 (possibilité de le télécharger pour 4,99 euros). Le film donne la parole à des enfants de huit à onze ans au sujet des différentes représentations qu’ils se font du travail des grandes personnes.
Edit du 2 octobre 2010 : je viens de lire un article exactement sur ce sujet paru dans le journal La Croix et traité quasiment comme le mien (peut-être la journaliste avait-elle lu le mien ) : « Ils font quoi papa et maman au bureau ? »
Excellent témoignage
Et merci pour les encouragements dans le choix des sujets abordés …
Gaëlle
Très bon sujet, chère journaliste – blogueuse – maman, et effectivemet très peu repris dans la presse, ni même par les entreprises. Certes, quelques entreprises organisent des arbres de Noël ou autres manifestations avec les enfants au sein de l’entreprise, mais le plus souvent pour parquer nos chérubins dans une seule et grande salle, afin de leur passer un dessin animé ou autre attraction garantissant une paix momentanée si elle n’est pas durable.
Or, et en particulier lorsque les contraintes professionnelles ont un impact sur la vie familiale, j’estime crucial que l’enfant puisse avoir des repères de l’activité professionnelle parentale.
Cela passe par de la discussion, de l’explication qui trouvera toujours ses barrières à la représentation que s’en fera l’enfant par rapport à se propres repères qui peuvent se résumer pour les plus jeunes au monde éducatif. Mais l’important n’est pas qu’ils comprennent tout aux subtilités d’une profession pour laquelle nous même avons parfois du mal à tout comprendre…
Je pense aussi qu’il est donc important de pouvoir emmener l’enfant sur le lieu de travail pour qu’il puisse se représenter concrètement l’activité du parent. L’employeur peut et doit être impliqué dans cette démarche afin de montrer simplement l’activité de l’entreprise. D’ailleurs, il n’est pas rare que cela soit réalisé pour des groupes scolaires et non pour les enfants des salariés de l’entreprise.
Cette expérience ayant été menée avec nos enfants, je suis toujours surpris de la facilité relative avec laquelle ils « encaissent » ensuite les contraintes et par le fait qu’il font ensuite des dessins se rapportant directement à mon activité professionnelle, certe un peu partculière (je suis marin).
Au delà ce cet aspect, tu as parfaitement raison de souligner que cette approche du monde professionnel est aussi un vecteur d’appropriation des valeurs du travail. L’enfant est une éponge qui va s’approprier tout ou partie des propres valeurs de ses parents et se forger un référentiel inconscient.
Pourquoi les enfants se limitent-ils dans leur prime jeunesse aux métiers d’institutrice ou de médecin. C’est bien parce que ce sont les métiers qui sont dans leur entourage et qu’ils sont à même d’appréhender. Le devoir éducatif peut donc être également d’ouvrir les enfants à différents métiers et à commencer par celui de ses parents.
maman, les petits bateaux…
très bon sujet, oui, et qui m’a surpris par sa pertinence inattendue (je n’y avais JAMAIS pensé!), comme je l’ai dit sur mon blog..
Ninon
Merci Ninon !
De mon côté, j’essaye d’expliquer avec des mots simples mon métier, de leur montrer le résultat de mon travail (un article dans un magazine, c’est assez visuel en fait) afin qu’ils comprennent mieux pourquoi je passe du temps devant l’ordinateur ou au téléphone ou en déplacement. Je pense qu’il est important que les enfants n’associent pas le travail qu’au fait de ganer de l’argent ou à des contraintes, de la fatigue, des soucis, de l’absence, même si bien sûr, tous ces éléments sont importants !!
PS : J’invite les lecteurs et lecteurs à aller lire ton billet et les commentaires.
Gaëlle
Edit du 08 mars : Miss Brownie a repris le débat sur son blog avec un billet intitulé « Et qu’est-ce qu’il fait ton papa ? ». Parmi les commentaires laissés, beaucoup avouent ne pas avoir très bien su ou compris le métier de leurs parents, sauf quand celui-ci était « facile » à comprendre (par exemple : institutrice, infirmière, médecin, pêcheur) car plus concret. Et quant à expliquer un métier où l’on utilise son ordinateur toute la journée, les internautes écrivent que cela devient vraiment difficile…. Peut-être montrer le résultat final ?
Sinon, le commentaire d’une blogueuse suisse m’a interpellée. Le voici : « Il n’y a pas des journées “parents-enfants” organisés en France et qui permettent aux enfants de passer la journée sur le lieu du travail des parents pour découvrir ce monde ? En Suisse, ça existe et ils organisent pour des enfants même en bas âge ».
Gaëlle
Edit du 2 octobre 2010 : j’ai rajouté un article du journal La Croix qui parle également de ce sujet.
D’autre part, depuis juin 2010, une journée de la famille en entreprise a été lancée par l’Observatoire de la Parentalité en Entreprise. Pour avoir plus d’infos sur ce dispositif, je vous invite à aller sur ce lien : http://www.observatoire-parentalite.com/public/documents/guide-de-la-journee-de-la-famille-en-entreprise-ope-edition-2010-zippe.pdf
Gaëlle