Lorsque l’on évoque la question de l’articulation vie privée / vie professionnelle, les hommes et les femmes ont souvent des ressentis très différents. L’une des explications généralement données est celle des inégalités domestiques. C’est-à-dire que concrètement les femmes passent plus de temps que les hommes à s’occuper des tâches ménagères et des soins quotidiens réclamés par les enfants.
Un autre élément semble important : celle de la charge mentale du foyer, qui semble bien davantage portée par les femmes que par les hommes. Alors que la plupart des hommes savent très bien établir un clivage entre les deux sphères (professionnelle et personnelle), les femmes ont beaucoup plus de mal à établir des frontières étanches entre ces deux univers. On parle de charge mentale spécifique aux femmes (cf. cette interview de Marie Pezé).
Comment définir cette charge mentale : « c’est ce travail de gestion, d’organisation et de planification, qui est à la fois intangible, incontournable et constant, et qui a pour objectifs la satisfaction des besoins de chacun et la bonne marche de la résidence » (cf. ce lien). C’est le fait de penser à la famille et aux enfants quand ils ne sont pas là, de s’en pré-occuper (par rapport au fait de s’en occuper).
Les femmes « jonglent » en permanence dans leur tête avec leurs objectifs professionnels et les tâches quotidiennes et personnelles à effectuer : prendre RV chez le pédiatre pour le rappel du vaccin, ne pas oublier de réserver la baby-sitter pour le samedi soir, passer chez le pressing, acheter le produit anti-poux pour l’aînée, etc. Sans oublier toutes ces informations très concrètes que les femmes connaissent et mémorisent (de la pointure de chaussures de ses enfants, le nombre de dosettes de lait à mettre dans le biberon, en passant par les horaires des activités extra-scolaires, etc.)
Toutes ces choses prennent forcément du temps, de l’énergie et de la « place ». Cette charge mentale fait-elle que les femmes sont moins concentrées au travail, plus stressées, moins capables de s’investir professionnellement ou au contraire est-ce que cela développe leurs aptitudes d’organisation, de polyvalence et leurs capacités à s’adapter ?
Autres questions : quelle est la capacité des mères à se libérer de leur charge mentale ? (c’est-à-dire à établir des frontières plus étanches). Qu’attendent-elles de leurs conjoints ? Qu’ils prennent une partie de cette charge mentale ? Qu’ils prennent l’initiative pour les libérer d’une partie de ces préoccupations ?
Un article à lire : De la paternité, de la maternité et du féminisme, un entretien avec Michèle Ferrand
Une vidéo à regarder : selon Djamilda Sehli les femmes supportent l’essentiel de la charge mentale de l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle.
Qu’est-ce que tout cela vous inspire ?
NB : l’illustration a été trouvée ici.
Réflexion très intéressante et qui correspond bien à mes pré-occupations de mère (un enfant de 4 ans et demi), d’épouse, de femme active, d’amie, etc— moi qui ne souhaite lâcher aucune de mes différentes « vies ». Oui, je réalise que, contrairement à la plupart de mes collègues masculins, je « jongle » dans la journée entre le boulot et les contraintes de la maison (passer à la pharmacie entre midi et deux par ex, ce que ne fera jamais mon conjoint). Cette capacité à mener de front plusieurs préoccupations est à la fois une force (je me fais moins « dépasser » par les évènements, oublie moins de choses et de fait cours moins), mais est aussi une grande source de stress. J’ai l’impression de ne jamais me reposer, d’avoir toujours qqchose en tête (argh, le we, quand j’arrive à me poser sur le canapé et que je ne peux m’empêcher de voir les magazines / Jouets /autres qu’il faut ranger ou de penser au linge sale qui attend…), et cela me fatigue beaucoup. Je pense que c’est non seulement lié à ma condition de femme, mais aussi à mon caractère plutôt anxieux.
Tout cela gêne considérablement la communication de couple, je trouve. Car j’ai très souvent besoin de « manager » mon homme pour qu’il pense à s’occuper de la maison (car je me refuse à « tout » faire), je ne suis pas souvent vraiment détendue, nous n’avons pas la même façon de gérer les tâches (plutôt dans l’urgence pour lui, plus planifié mais avec plus d' »angoisse » pour moi). Il y aurait encore beaucoup à dire…
Anne-So
Merci beaucoup Anne-So pour ton témoignage personnel. Ce que tu décris, c’est tout à fait cette charge mentale dont je parle !!! Je te comprends à 100% car c’est vrai que l’on aimerait bien de temps en temps « débrancher » et ne plus penser à tout ce qui doit être fait, à tout ce que l’on pourrait faire, à tout ce qui aurait pu être fait, etc., etc.
Les hommes semblent effectivement beaucoup plus « doués » que nous pour faire abstraction de toutes ces petites et grandes préoccupations très quotidiennes et terre-à-terre mais cependant indispensables 🙂
Mais heureusement cela nous apporte aussi une grande capacité de gymnastique intellectuelle utile dans le monde professionnel. Très bonne continuation à toi…et bon courage pour essayer de lâcher un peu prise !
Gaëlle
Je découvre ton blog par le biais des Mompreneurs et suis particulièrement sensible à cet article de « charge mentale ». Je n’avais encore rien lu sur ce sujet qui me semble être le « nerf de la guerre ». J’utilise la métaphore de « post-it mental » pour expliquer à mon mari la difficulté d’être mère (4 enfants)/femme/épouse, etc… et qu’il ne s’agit pas seulement de répartir les tâches dans le foyer. Devoir toujours penser pour 6, faire pour 6, projeter pour 6, s’inquiéter pour 6, etc… c’est crevant. Pourquoi cette charge mentale revient-elle à la femme ? Prb de configuration intellectuelle, d’éducation, de culture ? En regard de nos capacités à gérer cette charge, les « patrons » ne devraient décidemment pas être si réticents à embaucher des mères…
Cécile
Bienvenue Cécile et merci pour ton commentaire !
Je suis comme toi, je pense que même s’il y a une bonne répartition des tâches au sein du couple (ou en tout une certaine répartition !), les femmes ont quand même le « don » pour avoir cette charge mentale. Penser aux petites choses du quotidien qui ne sont pas grand-chose si on les prend séparément mais qui bout à bout nécessitent du temps, de l’énergie, de l’adaptation, etc.
Et tout comme toi, je pense que les employeurs devraient être davantage convaincus de l’intérêt de ces compétences !!!!
(cf. cela rejoint le propos de Marc Dumas dans son livre dont j’ai parlé jeudi sur le fait que les employeurs devraient également envisager la problématique conciliation vie privée/vie professionnelle davantage comme un enrichissement mutuel que comme une source potentielle de conflit).
Gaëlle
Ah ! merci ! le lien fonctionne beaucoup mieux sans le point 🙂
La prochaine fois, avant de me lancer dans une note, je te contacte pour avoir le lien tout de suite 🙂
Kaliuccia